CONTE DE Fée
Enfant, j’avais reçu à Noël, des mains de ma grand-mère maternelle, un magnifique livre illustré sur les animaux enchantés.
Quels beaux moments ai-je passé, assise dans la barque du merveilleux, à lire ces contes ! D’un coup de baguette magique, je me suis laissée propulser dans un univers de ravissement, bien caché aux yeux des adultes par les ronces du rationnel et du scepticisme. De toute la journée, galvanisée, je n’arrivais pas à m’extraire de ce livre pourvu de dessins d’une beauté esthétique raffinée et ensorcelante.
Ce moment intimement vibrant m’appartenait. Partager avec mes proches tous ces instants de pure magie aurait éteint les crépitements du dedans. Ce monde n’est-il accessible qu’avec le cœur et l’âme de l’enfance ?
Dans la suite de cet article, je tente de jeter des ponts, faire des rapprochements entre le métaphorique des contes et ce que l’on pourrait y puiser pour conduire nos vies.
Dans les contes, le protagoniste (jeune fille ou jeune homme), est bien souvent en marge du cercle familial, malmené par la jalousie ou la non reconnaissance de la fratrie, ou bien parce qu’il est enfant unique. Alors que le souverain (le moi-supérieur ?), le père ou la mère de famille a une tendresse particulière pour lui. L’entourage médisant prend pour de la faiblesse, le caractère doux, aimable et rêveur du gamin. Soit dit en passant, il en va de même dans notre réalité. Puis vient la mission où ces jeunes gens candides reçoivent des cadeaux (objets de pouvoir) et des opportunités (rites initiatiques) pour révéler au fur et à mesure de l’aventure, leurs aptitudes héroïques.
Que nous dit l’héroïsme du personnage principal ? Il n’est pas un être hors du commun ! Peu à peu, il prend confiance en lui en suivant le courant, en prenant les signes au sérieux, en obéissant à son intuition et en saisissant les mains tendues. Tant pis s’il s’est leurré, il apprendra à vaincre l’adversité en déployant ses propres ressources insoupçonnées. Dans le monde féerique, comme ce devrait être le cas au plan terrestre, le temps nécessaire n’est pas le temps physique mais celui de la maturation et du kaïros. C’est-à-dire l’attente patiente, le bon timing, l’intuition opportune, pour agir et dénouer les imbroglios.
Il pourra toujours compter sur ses alliés et leurs objets magiques pour traverser les épreuves et les épauler ! Mais l’aide inattendue peut venir de la part d’un être repoussant ou d’un animal incongru… Que va faire le héros, contrairement à ses frères ou sœurs par exemple ? Il va humblement accepter le coup de main ou le sacrifice demandé. Pourquoi ces alliés sont-ils repoussant ? Tout comme nous, ces personnages (qui nous ressemblent puisqu’ils sont un frère ou une sœur) méprisent le laid, le bête, le méchant, le grossier, l’étrange et leur tourne le dos en se moquant d’eux. En effet, c’est très difficile de se reconnaitre en eux ! Le conte semble nous dire qu’il y a de la laideur en chacun de nous mais qu’il ne sert à rien de fuir et de nous détourner de nous-même. En s’appuyant dessus pour éclairer notre ombre épaisse (donc prendre des mesures bienveillantes afin d’accepter et polir nos imperfections), nous pourrions nous alléger de notre souffrance.
J’en viens maintenant, avec mes gros sabots qui crachent des étincelles, à tenter d’allumer en vous une petite flamme de conscience, pour vous aider à appréhender le conte de fée à un autre niveau. Eh bien oui, toutes ces histoires d’alliance, de connivence mutuelle entre les animaux et les êtres humains ressemblent étrangement aux voyages chamaniques et expériences médiumniques que j’ai faites adulte ! Le plus « enchanteur », c’est la fleur, bague, plume, bougie, le bijou (…) bougie (…) qui peut apparaître subrepticement derrière mes yeux fermés, comme témoignage d’alliance, de service et de soutien ! Ces « cadeaux » immatériels sont l’apanage fréquent de ces expériences extrasensorielles. J’aimerais tant que chacun de vous ouvre son cœur à cette incroyable magie !
De même, notre nature animale instinctive et intuitive flaire tout ce qui servira notre bonheur si on se laisse émouvoir, mouvoir et guider par les témoignages amicaux de ces guides dans notre intériorité souveraine. Ce partenariat fait sens pour engager l’être à dépasser la dualité, la vision étriquée de notre personnalité.
Cette énergie soutenante permet de tout surmonter et d’aller au bout de soi-même et de ce que la vie propose en devenant plus habile (avoir des gestes plus justes) et spontané dans le quotidien en se laissant guider par la faculté intuitive… Dans cet « espace du cœur où me pousse des ailes » nous pouvons nous déployer au-dessus des barrières de l’existence terrestre. Nous pouvons suivre ces bêtes enchantées, les yeux fermés, puisqu’elles nous montrent la voie vers la libération, vers un dénouement heureux : « Et, ils vécurent heureux jusqu’à la fin de leur vie. »
Véronique Mahieu
Illustration : Pixabay